Souffrance au travail : Comment s’en sortir ?

Sortir d’un contrat de travail en cas de souffrance au travail ou de harcèlement moral : stratégie, preuves et indemnisation

La souffrance au travail, lorsqu’elle devient chronique, peut conduire à des situations graves, notamment en cas de harcèlement moral. Face à cette réalité, il est essentiel de connaître les mécanismes légaux permettant de sortir du contrat de travail sans renoncer à ses droits, et parfois d’obtenir une indemnisation significative.

Cet article vous guide à travers les étapes clés, des premiers arrêts de travail jusqu’à une potentielle inaptitude prononcée par le médecin du travail, en passant par la constitution de preuves, la reconnaissance de la faute de l’employeur, et l’enjeu de la nullité du licenciement.

Reconnaître la souffrance au travail : le rôle de l’arrêt maladie

Lorsqu’un salarié est victime de harcèlement moral ou d’un environnement de travail pathogène, la première réaction légitime est souvent médicale. Un arrêt de travail pour souffrance psychologique liée à des conditions professionnelles permet de :

  • Mettre en pause la relation de travail,
  • Se protéger et commencer un suivi médical,
  • Constituer une première trace officielle du malaise.

Il est crucial de faire mention du lien avec le travail sur l’arrêt (par exemple : état anxiodépressif en lien avec des conditions professionnelles).

Le médecin du travail : un acteur clé pour alerter et enclencher une issue

Le médecin du travail est un allié dans ce processus. Il peut :

  • Proposer des aménagements de poste,
  • Constater une altération de la santé liée au travail,
  • Aller jusqu’à déclarer une inaptitude médicale à reprendre le poste.

En cas d’inaptitude :

  • L’employeur a l’obligation de rechercher un reclassement.
  • En l’absence de possibilité, le contrat peut être rompu.
  • Si l’inaptitude fait suite à une faute de l’employeur, la rupture est assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse voire nul.

Harcèlement moral : faute de l’employeur et nullité du licenciement

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité et de prévention. Le harcèlement moral engage sa responsabilité s’il n’agit pas face aux alertes.

Si un licenciement intervient dans ce contexte :

  • Il peut être jugé nulle, notamment si le salarié était protégé par un arrêt de travail ou avait signalé les faits.
  • Le salarié peut alors obtenir :
    • La réintégration dans l’entreprise, ou
    • Une indemnité minimum de 6 mois de salaire (article L.1235-3-1 du Code du travail).

Preuves indispensables : mails, attestations, dossier médical

Le salarié a la charge d’apporter des éléments factuels laissant supposer un harcèlement ou une souffrance grave. Il ne s’agit pas de prouver seul, mais de présenter un faisceau d’indices.

Exemples de preuves recevables :

  • Échanges d’emails contenant des remarques dégradantes, des pressions ou humiliations,
  • Attestations de collègues ou proches,
  • Éléments du dossier médical (certificats, arrêts, courriers de spécialistes),
  • Écrits d’alerte envoyés à la hiérarchie, au CSE ou à la médecine du travail.

Conseil : Tenez un journal personnel des faits (dates, faits, réactions). Il pourra servir de base au récit de harcèlement.

Quelles issues juridiques envisager ?

1. Prise d’acte de la rupture

Le salarié quitte son poste en reprochant à l’employeur des manquements graves (harcèlement, inaction…). Le juge requalifie ensuite ou non la rupture en licenciement sans cause.
Risqué : la requalification dépend du juge, et vous perdez vos droits chômage si elle est refusée.

2. Résiliation judiciaire du contrat

Moins risqué que la prise d’acte, avec maintien du salaire pendant la procédure.

3. Licenciement pour inaptitude

Si le médecin du travail déclare le salarié inapte, un licenciement pour inaptitude non professionnelle peut intervenir. Mais attention :

Si l’inaptitude est causée par l’environnement de travail, le salarié peut obtenir :

  • Requalification en inaptitude professionnelle,
  • Ou condamnation de l’employeur pour faute inexcusable.

Indemnisation : ce que vous pouvez réclamer

Selon les cas, vous pouvez obtenir :

  • 6 mois de salaire minimum si le licenciement est nul,
  • Indemnité pour licenciement abusif (selon barème Macron),
  • Indemnité pour préjudice moral,
  • Indemnités spécifiques en cas de faute inexcusable (souffrance causée par manquement à l’obligation de sécurité).

L’obligation de prévention de l’employeur

Selon l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En cas de manquement :

  • Il engage sa responsabilité civile,
  • Et parfois pénale en cas de harcèlement caractérisé.

Conclusion : une stratégie à construire avec rigueur

Sortir d’un contrat de travail dans un contexte de harcèlement moral ne s’improvise pas. Il faut :

  1. Se faire accompagner médicalement,
  2. Constituer minutieusement les preuves,
  3. Faire appel à un avocat en droit du travail ou à un syndicat,
  4. Choisir la bonne stratégie juridique selon la situation : prise d’acte, résiliation judiciaire, inaptitude…

C’est une démarche délicate, mais qui permet de protéger ses droits, sa santé et d’obtenir réparation.

To Top